le 22.06.98
‘’Elle est partie ce matin.”
Quand on y pense, c’est déjà bien trop
tard.
C’est comme une fulgurance, une projection, une trajectoire. Une vitesse qui
prend de cours et qui nous laisse là.
Tout est dans ce présent qui dure, qui s’étend, invariable jusqu’à ce qu’elle
soit
lue.
Et
tout est dans ce matin là, dans cette aurore orange, où la lettre est partie dans
les
couloirs distendus de
sa fuite en avant.
On aimerait tant revenir en arrière.
Pour
ne serait-ce qu’un mot, un point d’exclamation.
Intercepter, détourner, récupérer au
vol.
Mais cette lettre,
c’est un colis de soi au présent immuable qu’on envoie à demain si
changeant. Et puis que rien n’arrête. Et c’est déjà trop tard.
“Elle est partie ce matin.”
Et tout se précipite, tout s’en va loin devant. Tout va si vite maintenant. Et
alors
qu’autour tout
s’enfuit, en devenir comme de grandes traînées
bleues, que tout change et tout
vire, timbré, enveloppé, à l’intérieur, le cachet faisant foi, on demeure.
Et rien qu’on n’y puisse faire.
“Elle arrivera demain.”
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