JEAN LALOU
Jean Lalou, mon ami depuis
25 ans, né en 1922, à Chaville, c'était encore la Seine et
Oise, a écrit ses premiers poèmes à 17 ans, étudiant
à cette époque, les règles de l'écriture et la versification.
Quelques mois après son mariage en 1942, il partit en sanatorium.
" Je dois peut-être la vie à ma tuberculose, car beaucoup
sont partis à la guerre et beaucoup n'en sont pas revenus. "
Il fut instituteur puis se passionnant pour la langue anglaise, la langue des
libérateurs, il devint professeur d'anglais. Edité après
son très bel ouvrage " Fumerolles " paru il y a une dizaine d'années,
ce nouveau livre qui m'a tant touché, regroupe 50 années de
vie. " Ce sont des vestiges, comme des morceaux de poteries cassées.
" De la lecture de ses vers, ressort son goût pour les mots, "
Je trouve qu'en prose les mots sont employés bureaucratiquement, en poésie,
ils se renouvellent, meurent, disparaissant pour revenir ; une allégorie
au bonheur d'écrire." Il m'a souvent dit, qu'à ses débuts,
il était dans la mouvance traditionnelle de la poésie, puis rencontra
Agamemnon, poète ami d'Eluard, futur conservateur du Musée de Mantes,
en leur époque estudiantine qui fut aussi le temps de leurs cadavres exquis.
Agamemnon lui fit rencontrer le surréalisme, qu'il n'aima vraiment jamais
démesurément, mais il y gagna cette magie du goût des mots,
du calembour. Il préféra l'écriture d'Alfred Jarry, Jules
Laforgue, Raymond Queneau et Boris Vian. De sa poésie, je dirai, qu'elle
est touchante, donc belle, mais étonnante, rieuse et triste à la
fois, à goûter sans modération, parcellaire et tendue.
Hier, il me disait, " j'ai vécu un absolu pour la poésie, puis
un jour j'ai décidé de tout laisser tomber, c'est facile à
dire...Mais ça revient tout de suite. " MON
ILLUSTRATION Un texte poétique est toujours un attachement, un attachement
à l'écriture, un attachement aussi à la personne qui a écrit
et qui transmet. Un livre à illustrer, c'est un accord de musique à
définir dans l'intégrité d'un temps pour un partage sensible.
Lire. Lire pour accepter l'offrande et le mystère, être
touché et comprendre tout le proche et tout le loin Pour le peintre,
voir le dessin paraître naturellement. Voir un ensemble, un tout, en
ligne, en formes, en sensations pour les faire fusionner avec le profond, dire
en couleurs pour une apparence. Jean Lalou m'a dit, " tu as vu le caché.
". Je le savais. Je le souhaitais. Peut-être seulement pour me
donner ma confiance, fil de rasoir qui dirige l'élan qui construit.
Donner une illustration au livre, c'est aussi accepter l'attente de le voir paraître,
être à l'affût, de cette seconde ou l'auteur, d'un regard,
accepte ou réfute. Le livre dans vos mains, se dire aussi que l'illustration
devra s'effacer, pour se mettre en osmose avec le texte, un plein de couleurs
pour transmettre la tonalité. O.MERIJON
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